Kangourou, kangourou, Mon gentil kangourou Aux yeux verts au poil roux, On t'aimait ici beaucoup. On t'avait rapporté Du pays des grands étés, D'Australie, Dans un lit, Un petit lit de paille bien joli. Kangourou, kangourou, Les premiers jours furent si doux. Tu sautais comme un fou, Gambadant un peu partout. Sous les arbres, dans leurs fleurs, Tu faisais le joli cœur. Les voisins sans courroux Disaient : "Qu'il est gentil, ce kangourou." Tu grandis, tu grandis. Le jardin devint trop p'tit. A la fin, rassasié De jouer à saute-rosier, Saute-lilas, saute-gazon, Un beau jour, tu fis un bond Et franchit, c'est malin Le mur de la maison de Saint Paulin. Un gendarme qui passait S'écria : "Mais qu'est-c'que c'est Que ce gros lapin d'choux Qui saut' le mur de chez vous ?" Je lui dis : "Ce lapin, M'sieur l'gendarm' c'est un copain." Sans m'entendre, il t'emmène Pour t'enfermer au Zoo de Vincennes. Nous venions le jeudi T'apporter des fruits confits. Tristement, tu r'gardais Les badauds qui te badaient Et ton exil semblait dire : "Est-ce bien vrai ou est-ce pour rire Ou pour faire un'chanson Que tu m'as fait jeter dans cett' prison ?" Vint l'automne le temps froid Et je compris ce jour, ma foi, En venant un jeudi Que tu allais mourir d'ennui. J'eus alors du chagrin De t'avoir ram'né de si loin Sans savoir que ton bonheur, C'était de vivr' du pays de ton cœur. Kangourou, kangourou, Tu partis, gentil comm' tout, Pour des lieux merveilleux Où l'on voit passer l'Bon Dieu, Mais parfois, quand l'soleil Brise de ses rayons vermeils La pluie fine du mois d'août, Je crois te voir là-haut, mon kangourou. Librement, librement, Tu gambades au firmament. Sur de beaux nuag's perché, Tu t'amuses à saute-clocher, Saut' le toit d'la maison, Saut' les vers de ma chanson, Loin des cages des verrous Et sans raucune pour moi, mon kangourou.